freebibleimages.org

Pierre 1
« Tu seras pêcheur d’hommes »

Après avoir pêché pendant toute la nuit sans succès, Simon se fait emprunter son bateau (un peu malgré lui) par Jésus... le début d’une histoire qui va changer sa vie.

Un jour, Jésus se trouvait au bord du lac de Génésareth et la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu. Il vit au bord du lac deux barques; les pêcheurs en étaient descendus pour laver leurs filets. Il monta dans l’une de ces barques, qui appartenait à Simon, et il le pria de s’éloigner un peu du rivage. Puis il s’assit, et de la barque il enseignait la foule.

Quand il eut fini de parler, il dit à Simon: « Avance là où l’eau est profonde et jetez vos filets pour pêcher. » Simon lui répondit: « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais sur ta parole, je jetterai les filets. » Ils les jetèrent et prirent une grande quantité de poissons, et leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque de venir les aider. Ils vinrent et remplirent les deux barques, au point qu’elles s’enfonçaient. Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit: « Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » En effet, lui et tous ceux qui étaient avec lui étaient remplis de frayeur à cause de la pêche qu’ils avaient faite. Il en allait de même pour Jacques et Jean, les fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon: « N’aie pas peur, désormais tu seras pêcheur d’hommes. » Alors ils ramenèrent les barques à terre, laissèrent tout et le suivirent.

Luc 5, 1 à 11

* * *

Wow, quelle journée!

Tout avait bien mal commencé, pourtant. Mais là, on pourrait enfin tenir quelque chose... ou plutôt... quelqu’un... ce Jésus...

En fait, j’en suis sûr: c’est lui, le libérateur, le messie qui va délivrer Israël.

Bon, je m’emporte. Vous me direz que « c’est toujours la même chose avec toi, Simon: beaucoup d’enthousiasme et puis... après quelques mois... plus rien. »

Je le sais bien, et ça m’a joué assez de tours par le passé, croyez-moi!

Mais cette fois-ci... celui-là, il est différent.

Vu ce qui s’est passé ces derniers jours, vu ce qui s’est passé aujourd’hui... j’ai l’impression que rien ne pourra l’arrêter; que sa renommée va grandir et que, bientôt, toute la Galilée sera au courant de ses enseignements et de ses actes miraculeux.

Ensuite... ensuite... qui sait? Si le petit peuple galiléen se réveille, on ne sait pas jusqu’où ça peut nous conduire... jusqu’à Jérusalem, peut-être? Bon, je m’emporte une fois encore...

Il faut que vous puissiez vous faire votre opinion par vous-même... alors, laissez-moi vous raconter cette journée depuis le début.

* * *

Les gars de Zébédée et moi, on avait travaillé toute la nuit.

C’est vrai que d’habitude, on s’en sort plutôt bien, nous autres, les pêcheurs de la Mer de Galilée. Si nos prises sont bonnes, et, surtout, si nos compétiteurs ont une mauvaise nuit de travail... on peut faire de l’argent: les ventes directes sur la plage au matin, bien sûr, mais surtout le poisson séché et salé, qui se conserve bien, jusqu’à l’hiver; et encore plus: la marinade. Si on trouve un navire marchand qui va l’exporter, on peut vraiment la vendre à un bon prix.

Ce que les gens ne réalisent pas forcément, par contre, c’est que le prix des bateaux et de l’équipement est vraiment cher: tous les pêcheurs que je connais sont dans les dettes. Et dès qu’on gagne un peu d’argent, on essaie de rembourser un petit peu du prix du bateau.

Un filet qui se déchire peut vous conduire à la catastrophe: comment rembourser le prix d’un bateau sans filet pour attraper du poisson? C’est pour ça qu’on passe autant de temps à nettoyer, à réparer et à prendre soin de nos filets.

Et puis, il y a les tempêtes: ces coups de tabac qui nous tombent dessus en un instant et que rien ne laisse prévoir: les nuages s’amoncellent d’un coup vers le défilé d’Arbel et vous vous retrouvez pris dans des vagues qui peuvent retourner le bateau, avec un vent tourbillonnant qui rend la manœuvre impossible. Et en général, évidemment, au milieu de la nuit. Dans ces cas-là, vous risquez de perdre vos filets, votre bateau, mais surtout... votre vie!

Il y a pas mal de fois où j’ai bien cru que j’y laissais ma peau.

C’est pour ça que nous, qui naviguons dessus à l’année longue, nous l’appelons « la Mer de Galilée »: nous savons que ses tempêtes n’ont rien à envier à celles de la grande Mer. Même si, par un après-midi tranquille comme aujourd’hui, on peut comprendre les étrangers qui parlent du « Lac de Galilée ».

Bref, ne croyez pas que pêcher, c’est juste une belle vie de riche: il y a beaucoup de pression, d’incertitudes, de dangers. C’est d’ailleurs pour cela qu’on essaie de s’associer, de se mettre ensemble: on peut s’entre-aider dans les coups durs, on partage les gains, mais surtout, on peut pêcher à la drague avec deux bateaux et espérer de meilleures prises. La famille de Zébédée et la mienne, ça fait des années qu’on travaille ensemble. Le vieux Zébédée connaît la mer et son poisson comme personne, mieux que moi-même qui ai pourtant grandi sur le bateau de mon père, et ses deux fils, Jacques et Jean, commencent à être de sacrés bons marins, eux aussi.

N’empêche que la nuit passée, on a travaillé comme des fous et on n’a rien pris. Mais là, rien... c’est comme si le poisson nous voyait venir et foutait le camp. On connaît notre métier, pourtant, et on sait comment s’y prendre, surtout avec un gars de l’expérience de Zébédée.

Autant vous dire que l’ambiance au matin n’était pas à la fête: les autres vendaient leurs prises de la nuit, vidaient leurs poissons avant de les saler et les mettre au séchoir, faisaient le feu pour préparer la marinade... on pouvait pratiquement entendre le son des pièces qui tombaient dans leur tiroir-caisse.

Tandis que nous, qui avions travaillé autant fort, et même plus qu’eux: rien.

Juste des filets dégueulasses, pleins de coquillages coupants qui risquent de les déchirer et qui sont super difficiles à nettoyer.

On était épuisés, frustrés et en soucis: tout cela n’allait pas nous aider à finir de rembourser le bateau déjà vieillissant... et puis... et puis, il faut bien aussi nourrir nos familles! Bref, encore quelques nuits comme celle-là, et ça allait être la fin de la pêcherie Simon-Zébédée et Fils.

* * *

Et c’est à ce moment-là que Jésus est arrivé.

Ces rabbis arrivent toujours au plus mauvais moment: lorsque vous en avez déjà plein les bras, ils se pointent, ils vous font leurs théories religieuses et vous demandent de l’aide...

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble que ces rabbis arrivent toujours au plus mauvais moment: lorsque vous en avez déjà plein les bras avec la vraie vie et ses soucis, ils se pointent, vous font leurs théories religieuses, vous demandent de l’aide pour ceci ou cela... comme si vous n’étiez pas déjà assez occupé sans cela.

Et ça n’a pas manqué: Jésus voulait nous emprunter notre barque pour s’éloigner un peu du rivage et pouvoir ainsi avoir une meilleure acoustique pour enseigner les foules qui le suivent, et qui, elles, seraient restées au bord de l’eau, évidemment.

Bien sûr, ça ne nous arrangeait pas trop, son histoire. Nous, on voulait juste nettoyer ces satanés filets et aller prendre un peu de repos avant la nuit prochaine - où on sait qu’on a intérêt à faire une meilleure prise si on ne veut pas se retrouver vraiment dans le trouble.

L’autre chose qui compliquait encore plus la situation, et que vous ne savez peut-être pas, c’est que Jésus est venu chez moi, un samedi, le mois dernier, en sortant de la synagogue.

C’était un peu le chaos à la maison, parce qu’il y avait beaucoup trop de monde - on leur a offert ce qu’on a pu: du pain, quelques poignées d’olives et du poisson séché - les morceaux brisés qu’on ne peut pas vendre au marché...

Mais surtout, Anne, ma belle-mère, qui nous aide avec les tâches ménagères, était malade... vraiment malade. Ça faisait déjà plusieurs jours qu’elle toussait, qu’elle avait la fièvre... ça allait en s’empirant... elle avait même dû rester au lit pendant 2 jours, ce qui ne lui était probablement jamais arrivé de sa vie. Franchement, on était pas mal inquiet pour elle.

Et Jésus, le rabbi, qui débarque à la maison accompagné de la moitié de Capernaüm, justement ce jour-là. Qu’est-ce que je vous disais sur ces rabbis qui viennent encore vous ajouter du trouble comme si vous n’en aviez déjà pas assez comme ça?

Sauf que, cette fois-là, ça s’est passé différemment; il faut rendre justice à Jésus. Quelqu’un, je crois d’ailleurs que c’était Jean, le cadet de Zébédée, lui a parlé de la maladie d’Anne et de notre situation. Honnêtement, on pouvait bien voir qu’on n’en menait pas large, ce jour-là.

Bref, Jésus est allé voir Anne, dans son lit derrière le rideau. On n’a pas vu ce qu’il faisait, bien sûr, mais on l’a entendu crier après la fièvre. Honnêtement, ça ressemblait un peu à ces magiciens ambulants qui vous réclament un denier pour régler n’importe quel problème avec une incantation ou qui vous donnent une poignée d’herbes à faire bouillir dans l’eau avant de la boire... et qui se dépêchent de disparaître avant que vous réalisiez que vous avez perdu un denier sans aucun résultat.

Mais là, c’était différent. D’abord parce que Jésus ne nous a pas demandé un denier. Ensuite, et surtout, parce que Anne a été instantanément guérie. Elle s’est levée de son lit, d’un coup, pleine de santé et d’énergie. Elle a tout de suite pris les choses en main pour organiser le chaos qu’il y avait à la maison - comme si elle devait se rattraper pour les 2 jours passés au lit. Et elle est en pleine forme depuis ce jour-là. Cette chère Anne!

Quand j’y repense, quelle histoire extraordinaire.

* * *

Enfin, vous comprenez pourquoi je n’avais pas vraiment d’autre choix que de mettre ma barque à disposition de Jésus quand il me l’a demandé. J’espérais (on peut toujours espérer) que son enseignement ne durerait pas trop longtemps, juste le temps qu’on finisse de nettoyer nos filets.

Et on pourrait enfin aller se coucher.

Bref, on a pris Jésus dans le bateau, on s’est éloigné un peu du rivage, il s’est assis et il a commencé son enseignement. J’étais quand même un peu gêné de commencer tout de suite à travailler sur mes filets, alors j’ai écouté poliment, au moins le début.

Il a commencé par toute une série de bénédictions:

Matt. 5, 3-10

Heureux ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle,
car le royaume des cieux leur appartient!

Heureux ceux qui pleurent,
car ils seront consolés!

Heureux ceux qui sont doux,
car ils hériteront la terre!

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice,
car ils seront rassasiés!

Heureux ceux qui font preuve de bonté,
car on aura de la bonté pour eux!

Heureux ceux qui ont le cœur pur,
car ils verront Dieu!

Heureux ceux qui procurent la paix,
car ils seront appelés fils de Dieu!

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
car le royaume des cieux leur appartient!

Ce rabbi avait un enseignement bien bizarre: en gros, il semblait dire que les malheureux sont heureux, que les petits sont grands et que les maudits sont bénis.

Je ne suis qu’un simple pêcheur, pas un spécialiste de la religion, mais il ma semblé que ce rabbi avait un enseignement bien bizarre: en gros, il semblait dire que les malheureux sont heureux, que les petits sont grands et que les maudits sont bénis.

Et son idée que ceux qui ont le coeur pur peuvent voir Dieu? Si Moïse n’a pas pu voir Dieu, comment serait-il possible pour un être humain normal de voir Dieu? Ou même d’être appelé « fils de Dieu » comme il le laisse entendre?

Il a continué:

Matt. 5, 13

Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors et piétiné par les hommes.

Là par contre, je savais exactement de quoi il parlait... Je me souviens encore comme si c’était hier - même si ça doit faire... oh plus de 10 ans maintenant! Je me souviens du jour où un marchand ambulant est venu me proposer une cargaison de sel à la moitié du prix habituel. L’échantillon qu’il m’a fait tester était tout à fait correct, je lui ai payé ce qu’il me demandait, il a déchargé les 2 sacs et il est parti très vite...

Les poissons que j’ai salés avec son « sel » (il vaudrait mieux dire: cette cochonnerie blanche que j’avais prise pour du sel) ont pourri au lieu de sécher. Une cargaison entière de foutue, sans compter l’argent du sel, dépensé en pure perte.

Méfiez-vous des prix trop beaux pour être vrais!

Ensuite, je me suis mis à travailler sur mes filets et je n’ai pas beaucoup écouté Jésus. Il avait l’air de parler de ses trucs religieux et d’être assez fâché avec les spécialistes de la loi et les pharisiens. J’ai continué à nettoyer mes filets du mieux possible - c’est plus facile à faire quand on est sur la rive que sur le bateau, mais bon, il fallait bien accommoder Jésus.

Et puis, j’ai réfléchi...

La réalité, c’est que nous sommes vraiment mal pris: ces derniers temps, les prises n’étaient pas formidables et la nuit dernière était juste la pire de toutes. Le problème, c’est qu’on arrive à peine à nourrir nos familles avec le produit de la pêche, mais on n’avance pas avec le remboursement du bateau. Il vieillit, il commence à craquer de plus en plus, surtout à la mise à l’eau, ce qui n’est pas bon signe.

Et il n’y a pas que le bateau: Zébédée aussi ne va pas être éternel. C’est un vrai renard, rusé comme pas deux (et il faut l’être avec le poisson), il connaît la mer de Galilée mieux que personne. Mais il n’est pas tout jeune et je me demande, d’ailleurs, si nos mauvaises prises de ces derniers temps ne sont pas liées à un manque de lucidité de sa part. Nos compétiteurs ont l’air de continuer à sortir du poisson au rythme habituel... mais nous, c’est comme si on n’y arrivait plus.

Jacques et Jean, ses gars, sont des bons marins; ils sont prêts à travailler fort et ils ont l’habitude à la dure vie de pêcheur sur la Mer de Galilée. Mais il leur manque encore de l’expérience, c’est sûr.

En gros, je réalise qu’il faut que je me prépare à devenir moi-même le leader de notre équipe, le nouveau Zébédée: celui qui décide où on va pêcher, quand on jette les filets et quand on les remonte. Surtout, celui qui anticipe, qui donne les ordres, qui sait quoi faire dans toutes les situations et vers qui les autres se tournent en cas de coup dur.

Et honnêtement, vu la situation de ces dernières semaines, vu l’état du bateau et la difficulté à le rembourser, vu aussi, et surtout, ces tempêtes qui nous tombent dessus sans prévenir au milieu de la nuit... je ne voudrais pas laisser ma chère Myriam devenir veuve trop tôt, ni mes enfants orphelins. Philippe et tout son équipage sont morts, noyés dans une tempête il y a 2 ans... et je n’ai pas envie d’être le prochain sur la liste.

En résumé, je ne suis pas si sûr d’être fait pour cette vie-là. Bon, vous me direz que je n’ai pas le choix - les hommes de ma famille sont pêcheurs de père en fils, depuis des générations.

D’un autre côté, quelques nuits de travail couronnées de succès... quelques barils de marinade que nous pourrions exporter à bon prix; la situation pourrait se rétablir. Je pense que je suis prêt à faire face au danger si la récompense en vaut la peine. Mais risquer ma peau pour un filet vide... ça non, vraiment pas!

J’en étais là dans mes réflexions quand, un peu par hasard, j’ai recommencé à écouter Jésus:

Matt. 6, 25-27

C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas de ce que vous mangerez et boirez pour vivre, ni de ce dont vous habillerez votre corps. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement? Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment pas et ne moissonnent pas, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux? Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter un instant à la durée de sa vie?

Wow! Wow! Wow! Si Jésus pouvait lire dans mes pensées, il n’aurait pas pu choisir un meilleur sujet pour son enseignement. Décidément, ce rabbi-là ne ressemble à aucun autre... Il a continué:

Matt. 6, 33-34

Recherchez d’abord le royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné en plus. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.

Ne pensez surtout pas que je manque de respect envers Jésus. Parmi tous les rabbis que j’ai entendus et on s’entend que j’ai eu l’occasion d’en entendre pas mal (même si Capernaüm n’est pas Jérusalem, bien sûr); ben celui-ci est de loin celui dont l’enseignement est le plus intéressant.

En plus, il ne fait pas que parler (comme tant d’autres): il agit. Il a même guéri ma belle-mère, Anne. Qui sait si elle serait encore parmi nous aujourd’hui sans son intervention qu’il faut bien qualifier de miraculeuse?

« Ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même »
C’est facile à dire pour le rabbi qui emprunte la barque des autres et qui, demain, justement, ne sera plus là.

Mais en même temps, dire « Ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même »... C’est un peu léger; c’est facile à dire pour le rabbi qui emprunte la barque des autres pour donner son enseignement et qui, demain, justement, ne sera plus là.

J’aimerais bien le voir, ce Jésus de Nazareth, à travailler comme pêcheur sur la mer de Galilée: à passer des nuits sans sommeil sur une barque ballottée par les flots, à chercher où se trouve le poisson, à jeter et remonter les filets encore et encore jusqu’à ce que ton dos et tous tes muscles soient douloureux, à faire ce travail parfois en pure perte comme nous la nuit dernière, à passer la moitié de la journée à prendre soin de tes filets et de ton matériel avant de pouvoir (enfin) te reposer quelques heures avant de repartir la nuit suivante... De vivre constamment avec ce souci de ne pas déchirer tes filets, de ne pas savoir comment rembourser ton bateau, de risquer ta peau chaque nuit pour peu qu’une tempête se déchaîne sans prévenir...

* * *

Avec tout cela, Jésus avait terminé son enseignement. J’étais content qu’il en ait fini: on allait le ramener sur le rivage, finir de ranger nos affaires et aller prendre du repos bien mérité en attendant la nuit prochaine.

Je me préparais à ramer en direction de la rive quand Jésus m’a donné cet ordre bizarre:

« Avance là où l’eau est profonde et jetez vos filets pour pêcher. »

De quoi se mêle-t-il, ce rabbi? Qu’il reste à son enseignement! Éventuellement, qu’il guérisse du monde, c’est magnifique, je ne dis pas le contraire. Mais depuis quand les rabbis apprennent-ils leur métier aux pêcheurs professionnels? Si on n’avait rien pris de toute la nuit en pêchant sous les ordres d’un vieux briscard comme Zébédée, ce n’est pas en eaux profondes et en pleine journée qu’on allait attraper le moindre poisson. Mon fils, 7 ans, le sait. En plus nos filets étaient presque secs et je n’avais pas du tout envie de les détremper à nouveau.

En plus, Zébédée et ses gars, sans compter tous les collègues, étaient là, sur le rivage. Qu’est-ce qu’ils allaient penser en voyant Simon jeter ses filets en plein jour et en eaux profondes?

En même temps, une parole de Jésus a guéri Anne de sa fièvre et, vu le trouble dans lequel on est, on ne risque pas grand’-chose à s’essayer. On allait bien voir si « le lendemain prendrait soin de lui-même »!

J’ai donc répondu à Jésus, en m’assurant de parler assez fort pour que tout le monde entende bien que ce n’était pas mon idée à moi de jeter mes filets:

« Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais sur ta parole, je jetterai les filets. »

Il s’arrête, longuement, visiblement ému.

Et là... En plein jour... En eaux profondes... Là où mon fils de 7 ans sait qu’on ne peut rien attraper... Nous avons fait la prise la plus incroyable que je n’aie jamais vue. En fait, je suis sûr que c’est la meilleure prise de l’histoire de la mer de Galilée. C’est comme si tous les poissons de la Mer s’étaient donné rendez-vous pour se jeter dans nos filets.

Les filets étaient en train de se déchirer à cause du poids des poissons dedans. Nous étions totalement incapables de remonter une telle prise et il a fallu que Zébédée et ses gars remettent leur bateau à l’eau en catastrophe pour nous aider à embarquer une telle quantité de poissons. Nos barques s’enfonçaient dans l’eau tellement il y en avait.

Une autre pause.

J’ai regardé vers Jésus, et j’ai eu peur. Qui est cet homme qui dit un mot et la fièvre quitte une malade? Qui est cet homme qui peut voir jusqu’au fond de la mer de Galilée et ordonner aux poissons de se jeter dans mes filets? Qui est cet homme qui enseigne comme s’il connaissait parfaitement le fond de mes pensées? Rien ne lui est caché. J’avais l’impression d’être totalement mis à nu sous son regard.

Je suis tombé à genoux devant lui: « Seigneur, éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur »

Et je voyais bien que les autres n’en menaient pas large non plus.

Jésus m’a regardé avec bonté et il m’a répondu: « N’aie pas peur, désormais, tu seras pêcheur d’homme. »

Nous avons ramené notre poisson sur la rive en vitesse... et nous l’avons laissé là. Que les autres se débrouillent avec!

Les fils de Zébédée et moi, nous avons suivi Jésus. Il nous semble à tous les trois que suivre un tel homme est une opportunité bien meilleure que même la plus grosse prise de l’histoire de la mer de Galilée.

Nous n’avons aucune idée où cela nous conduira, ni de ce qui va nous arriver. D’ailleurs que peut-il bien vouloir dire par « pêcheurs d’hommes »? Peut-être que je me laisse encore une fois emporter par mon enthousiasme et que je le regretterai amèrement dans quelque temps? L’avenir le dira.

Mais une chose est sure: je préfère suivre Jésus au risque d’être déçu plus tard que de ne pas le suivre et de passer le reste de ma vie à regretter d’avoir manqué une opportunité pareille.

Voilà, vous en savez autant que moi. Je vous laisse vous faire votre propre opinion... Moi, je m’en vais marcher à la suite de Jésus.

Et si vous voulez nous rejoindre, je suis sûr qu’il y a encore de la place pour vous.